« ISMAËL ET ISAAC » DE GÉRARD HADDAD

13 janvier 2020

Le sous-titre, « la possibilité de Paix », donne le fil conducteur du livre

Juif d’origine tunisienne, Gérard Haddad, médecin psychiatre, psychanalyste, vit comme un drame personnel le conflit israélo-palestinien. Il décrypte comment des relations riches et fécondes se sont transformées en hostilité et méfiance.
Alors que la Bible regorge de luttes fratricides : Caïn et Abel, Jacob et Esaü, Joseph et ses frères (l’auteur développe ce thème des passions humaines et de la structure de notre vie psychique dans Le complexe de Caïn), il met l’accent sur l’exception qui s’y trouve à travers la bonne entente entre Ismaël et Isaac, les fils d’Abraham. La rivalité étant celle de leurs mères respectives : Agar, aux origines égyptiennes et Sara, aux racines sumériennes, filles de deux grandes civilisations de l’Antiquité, se disputant l’amour et l’héritage du même homme.
DU BON VOISINAGE À LA GUERRE
La première partie du livre évoque les figures d’Abraham, Sara, Agar, Ismaël et Isaac (Genèse chapitres 12 à 25). L’immense culture d’Haddad lui permet de faire une lecture de ces passages en les éclairant, en particulier par l’étymologie. Dans cette partie l’auteur souligne « le bon voisinage » entre les deux demi-frères Isaac et Ismaël : « Le bon voisinage ne requiert pas l’amour, qui peut facilement se muer en haine. Il repose sur une certaine neutralité, sur la reconnaissance mutuelle, sur un respect et un intérêt mutuels. Hors de ce bon voisinage c’est le spectre de la guerre qui se dresse. Cette guerre est devenue le quotidien des enfants d’Abraham. »
Dans la deuxième partie, Gérard Haddad nous invite à prendre conscience, à travers des éléments historiques (faits, écrits…) que l’expression « culture judéo-chrétienne » n’a guère de sens. Dans une interview à Jeune Afrique*, il précise : « L’expression « judéo-chrétienne » ravive, en quelque sorte, le sentiment d’exclusion qu’a dû ressentir Ismaël lors de l’expulsion de sa mère Agar. Or, ce livre veut ouvrir un dialogue avec nos compatriotes musulmans en France. Je préfère donc le concept de civilisation gréco-abrahamique. »
DEUX RÉVOLUTIONS…
Il souligne ensuite l’impact de ce qu’il appelle les deux révolutions qui « caractérisent la modernité », la science moderne et la révolution féministe. « L’islam, lui, a rejeté ces deux révolutions. Or ce double refus est la cause des difficultés qu’il rencontre. Se serait-il produit si les descendants d’Ismaël avaient poursuivi leur osmose avec ceux d’Isaac, qui jouèrent au cours des siècles un rôle de passeur et d’interface entre les deux branches issues du socle gréco-abrahamique ? Si la cité arabe n’avait pas préféré éliminer violemment ou par coercition ses juifs et ses chrétiens ? Poser la question c’est déjà y répondre. »
Ce livre est bourré de bien d’autres éléments très éclairants sur deux points : les différences culturelles et théologiques qui existent entre les trois religions monothéistes et les enjeux de certains conflits au Moyen-Orient.

Bernard Bonnefoi
FIP du 9/6/2019

*https://www.jeuneafrique.com/651547/societe/gerard-haddad-le-christianisme-portait-en-lui-lidee-du-genocide-des-juifs-pas-lislam/
À écouter aussi en podcast sur France culture : https://www.franceculture.fr/emissions/questions-dislam/ismael-et-isaac-ou-la-consolidation-du-lien-symbolique-unissant-les-fils-dabraham